L’interview de Valérie POYET, co-secrétaire de la FSU Alsace, est à voir ici.

À la rentrée, le rectorat a décidé l’ouverture de 2 classes immersives en alsacien (40 % de l’enseignement se fera en alsacien, 40 % en allemand, 20 % en français) à Brumath (15), Sélestat (18), Colmar (8), Altkirch (14).

Si la FSU est attachée au développement des langues régionales dans le service public d’éducation parce que c’est un héritage culturel et linguistique commun qu’il faut préserver, elle considère que c’est un leurre de croire que leur transmission par le système scolaire peut garantir leur survie.

Cet enseignement immersif pose un certain nombre de questions : comment croire qu’il ne sera pas confronté aux mêmes difficultés et critiques que l’enseignement bilingue paritaire ?

 

Jetzt geht’s los ?

Les remontées du terrain et les données chiffrées transmis par l’administration témoignent à la fois des difficultés de fonctionnement des classes et établissements dans lesquels l’enseignement bilingue est proposé, et des inégalités scolaires qu’il engendre dans les écoles et les établissements du 2nd degré.

 

        ► Crise du recrutement, particulièrement dans la filière bilingue

En 2023, 53 places ont été ouvertes par le ministère au concours du CRPE (voie régionale). Seuls, 31 candidat.es ont été recruté.es. Ces places qui ne sont pas pourvues, ce sont des enseignant.es titulaires qui manqueront dans les classes.

L’alsacien est, aujourd’hui, encore moins maîtrisé que l’allemand. Dès lors, on est en droit de se demander qui est capable et va assurer l’enseignement alsacien.

En 2020, la rectrice Laporte avait initié une enquête académique auprès des PE sur la question de la maîtrise du dialecte. Seuls 16 % des collègues y ont répondu. C’est dire si les enseignant.es se sentent peu concerné.es par cette question. Parmi eux, seul.es 23 % affirmaient comprendre et parler l’alsacien ; de là à l’enseigner…

 

Manque de moyens et rupture dans la continuité des      apprentissages 

À la rentrée 2023, dans le Bas-Rhin, on dénombrait 733 classes bilingues en écoles primaires. Cela nécessite 366,5 enseignants à temps plein.

Si on additionne les 326 PE titulaires, 9,5 PES, 28 contractuel.les, 3 échanges, il y a tout juste le nombre de personnels nécessaire pour prendre en charge les classes.

Automatiquement, quand un.e enseignant.e « bilingue » est absent.e, cela pose le problème de son remplacement et de la continuité des apprentissages en langue allemande.

Ce problème se pose de la même manière dans le 2nd degré où peu d’enseignant.es possèdent la certification allemande.

Il sera forcément accentué pour l’enseignement alsacien vu le nombre de collègues maîtrisant le dialecte.

 

Déperdition des élèves en cours de cursus et inégalités scolaires

Les chiffres parlent d’eux-mêmes :

  • 17,9 % des élèves du 1er degré suivent un cursus bilingue paritaire
  • 8,3 % des élèves au collège
  • 4,4 % des élèves au lycée

 

De plus, en élémentaire, il y a une érosion continue du nombre d’élèves tout au long du cursus. En 2017, le rectorat se fixait l’objectif de contenir cette érosion à 25 % d’une cohorte.

Cette déperdition se poursuit à l’entrée du collège et du lycée. Au lycée, la filière bilingue est clairement sélective puisque les élèves y sont admis sur dossier.

L’abandon au cours de cursus des élèves rencontrant des difficultés scolaires conduit à un écrémage des classes et au regroupement des élèves les moins en difficultés dans ces classes.

Dans le 2nd degré, l’implantation des sections bilingues en collèges se fait dans des collèges plutôt favorisés. Ces classes bénéficient très souvent de conditions de scolarisation très favorables ; le nombre d’élèves qui y sont scolarisés est inférieur aux autres classes de l’établissement.

Parce que les moyens sont insuffisants et parce que, de fait, le système bilingue génère des inégalités scolaires, la FSU et ses syndicats sont opposés à l’extension du dispositif bilingue dans le département.

Filière bilingue ou filière monolingue, la FSU exige que, partout, le ministère ouvre des postes au concours. Il faut recruter plus d’enseignant.es pour réduire les inégalités scolaires et assurer les remplacements.