Voici maintenant presque 6 mois que vous (Monsieur le Ministre) avez pris vos fonctions rue de Grenelle. A votre arrivée, vous avez longuement vanté la qualité du dialogue social mené dans votre précédent ministère, force est de constater que ces bonnes pratiques n’ont pas traversé la Seine avec vous. Lors du lancement du chantier attractivité, la FSU vous avait mis en garde ainsi que votre cabinet sur les dangers de multiplier des réformes importantes qui seraient menées au pas de charge sans bilan rigoureux des précédentes mesures. 2 mois et demi après cette alerte, les organisations syndicales, les personnels assistent à une parodie de dialogue social. La FSU rappelle que la qualité du dialogue social ne se mesure pas au nombre de réunions réalisées, mais à la qualité de l’écoute et à la prise en compte de la parole des organisations syndicales représentatives qui connaissent le terrain. A voir vos différentes déclarations dans la presse, tout laisse penser que beaucoup de décisions sont déjà prises avant même le début des discussions.
Le chantier attractivité du métier pour les enseignant·es, CPE, psy EN est la parfaite illustration de la parodie évoquée plus haut. D’une part la FSU constate l’hypocrise de ce chantier puisqu’à aucun moment il n’est fait référence à la question salariale ou à une reconstruction indiciaire des grilles de rémunération. Toutes les études ont pourtant montré que cette question était le premier obstacle à l’attractivité du métier. Une possible réforme de la formation des enseignant·es en moins de 3 mois sans avoir eu le temps d’étudier des bilans et de se projeter sur une transformation des maquettes, des concours, est irresponsable et va avoir de lourdes conséquences. Une nouvelle transformation des carrières en revenant sur des principes actés en 2017 qui ont réduit fortement les inégalités, serait délétère pour les personnels et pour l’ensemble du système éducatif. Sur le diaporama conditions de travail il est fait référence à la cohésion des équipes, mais toutes les dernières mesures prises comme le pacte et les modalités d’accès à la classe exceptionnelle renforcent leur destruction. Les différentes réunions de concertation sur la mise en place de l’acte 2 de l’école inclusive montrent également qu’on ne prend pas en compte le terrain.
Sur l’ensemble de ces dossiers, le temps nécessaire de réflexion n’est pas pris et imaginer chaque dossier réglé sans avoir pu répondre à l’ensemble des questions des OS, ni anticiper de nombreux éléments essentiels à la bonne mise en œuvre ne pourra amener que dysfonctionnements sur le terrain.
La FSU demande solennellement à ce que la méthode utilisée puisse être revue et à ce que le calendrier soit desserré.
Sur un autre sujet extrêmement grave, nous vous avons envoyé au nom d’une intersyndicale un courrier sur les agissements de Parents Vigilants. Cette association d’extrême droite remet en cause des enseignements, les valeurs de l’école et exercent des pressions et des menaces sur des enseignant·es ou des communautés scolaires, qui font tout simplement leur travail.
A ce jour aucune réponse écrite n’y a été apportée. C’est inacceptable : l’École publique, laïque et émancipatrice, celle qui fait grandir les élèves et éveille les consciences, celle où la liberté pédagogique est au service de l’émancipation, doit être défendue, et protégée. Comment le ministre peut-il rester silencieux ? La semaine passée tous les établissements autour du Panthéon, les lycées et le site de la Sorbonne ont été fermés à 17h par crainte des débordements dus à une manifestation d’extrême droite. C’est la preuve, une fois encore, que l’extrême droite est dangereuse par les idées qu’elle véhicule et par les méthodes violentes qu’elle utilise. Le ministre doit lui aussi prendre ses responsabilités dans cette lutte contre les idées d’extrême droite, contraires aux valeurs liées à la citoyenneté.
Sur le terrain formation continue, inclusions, effectifs dans les classes, les conditions de travail ne cessent de se dégrader. La FSU continue de contester la mise en place des PAS et la création des ARE. Sur la question de l’inclusion, tous les voyants sont au rouge et les personnels enseignants et AESH sont à un point de rupture. Les enseignant·es ne reçoivent aucune aide et aucun accompagnement face à des élèves qui explosent, le nombre croissant de fiches RSST est la preuve d’une véritable maltraitance des personnels. Partout des alertes sociales préalables à un dépôt de préavis de grève ont été déposées dans chaque département. Dans le premier comme dans le second degré, il est encore temps de renoncer aux suppressions de postes pour permettre notamment d’alléger les effectifs par classe, mais aussi d’assurer les remplacements. Mais il faudra également recruter davantage de personnels Rased, des personnels de santé, des personnels sociaux, des psychologues, des personnels administratifs et de la filière ITRF, rétablir des places en ESMS …Le mal être au travail, la perte du sens du métier doivent être pris au sérieux.
Ainsi le logiciel professionnel « LIEN » pour les infirmières, dont vos services persistent à vanter les mérites, alors qu’il est reconnu presque unanimement (94%) inadapté à l’exercice de leurs missions, aux besoins des élèves comme à ceux de notre institution, est générateur de souffrance professionnelle, il porte atteinte aux infirmières, au droit des enfants ainsi qu’ au fonctionnement du service public d’éducation. Encore une fois il est temps d’écouter les expertes de terrain.
En matière de gestion des ressources humaines, la FSU dénonce la situation qui est faite aux personnels des filières BIATSS. En ce jour d’ouverture du serveur pour les mutations – aucune note de service ministérielle n’a encore été publiée pour en informer les collègues. Cette pratique entrave de fait leur droit à la mobilité via le tableau annuel de mutations, à date, au profit d’une gestion au fil de l’eau qui ne tient absolument pas compte ni des besoins ni de la réalité de notre éducation nationale, rythmée par une année scolaire qui débute immuablement en septembre !
Il est grand temps d’écouter les alertes des organisations syndicales sur les conditions de travail. L’attractivité des métiers et la fidélisation sont des enjeux majeurs, mais la FSU ne peut que constater que ce n’est finalement pas une préoccupation majeure dans ce ministère. C’est une tout autre orientation qui est recherchée.
Les annonces faites hier suite à la publication des Résultats PISA illustrent une parfaite méconnaissance des travaux de recherche et reflètent bien le projet que vous avez pour l’école publique, pourtant lieu qui devrait réduire les inégalités. Par les mesures que vous proposez vous allez accentuer les inégalités et le tri social. Vous révélez par vos annonces le profond mépris que vous avez envers les enseignant·es que vous ne considérez absolument pas comme des expert·es puisque vous allez imposer des manuels et une méthode dans le premier degré. Les mesures concernant le collège (groupes de niveaux, parcours spécifiques dès la 6ème…) sont dangereuses car elles dessinent les contours d’une Ecole de l’assignation sociale. Vous attaquez frontalement le service public d’éducation en le dénaturant et en rendant impossible son fonctionnement. Dans un contexte de grave crise démocratique, vous faites un choix dangereux : dans une société traversée par de profondes crises, cette vision de l’École va contribuer à aggraver les fractures et à nourrir le ressentiment social. Par les mesures que vous prenez, vous allez renforcer la ségrégation à l’intérieur même des établissements, fortement dégrader les conditions de travail et les relations entre les personnels.
Les derniers arbitrages concernant la réforme de la voie professionnelle vont eux aussi dans ce sens. Le projet de modification de la classe de terminale bac pro est emblématique des arbitrages actuels, il va dégrader la qualité des enseignements et les conditions de travail des professeur·es en lycées professionnels ! Vous martelez dans les médias qu’il faut « élever le niveau » mais en Lycée pro votre véritable projet : c’est moins d’école, moins d’enseignant·es, plus d’entreprises, plus d’externalisation des missions, et plus de management ! Cette réforme est à rebours des enjeux éducatifs que vous clamez. Votre impréparation sur cette réforme, la parodie de dialogue social menée, la précipitation avec laquelle vous persistez à vouloir soumettre les textes au vote, malgré une vive contestation de toutes les OS lors de la CSL, sont autant de points qui doivent alerter quiconque porte une réelle ambition pour l’École et la formation professionnelle initiale scolaire. La FSU vous demande de renoncer à présenter le texte sur les grilles horaires au CSE du 14 décembre et à abroger l’ensemble des mesures de la réforme des lycées pros engagées. La FSU appelle à une grève le 12 décembre.
Concernant le point de l’ordre du jour sur le rapport social unique et la base de données sociales, force est de constater que la mise en œuvre de ce qui était présenté comme un élément important et positif de la LTFP ne répond absolument pas aux objectifs affichés. Des statistiques, quand bien même elles seraient les plus complètes possibles, ne remplaceront jamais la vision directe par les élu·es du personnel sur les opérations d’avancement, de promotion et de mutation. Nous y reviendrons plus précisément au moment de l’examen de ce point de l’ordre du jour, mais nous pointons déjà des lacunes importantes comme l’absence totale du second degré dans la partie « parcours professionnels ». Ce RSU est bien léger par rapport au bilan social précédent. Nous insistons de plus sur le manque de données académiques et départementales, ce qui, lorsqu’il s’agit de corps à gestion déconcentrée pose particulièrement problème. D’autant que dans les académies, nous avons des retours de pratiques très hétérogènes. Nous continuons par ailleurs à contester les modalités d’accès à la BDS qui ne sauraient être limitées à la période de préparation du RSU.
Quant au premier bilan des 3 années sur le PNA il est profondément décevant. Décevant sur la forme puisque le document fourni n’est ni lisible, ni opérant et aucunement rigoureux. Ce bilan démontre bien que l’égalité pro femmes / hommes ne représente en rien une priorité de notre ministère quels que soient les axes du PNA. Pire, concernant l’axe 3 c’est de l’affichage pur et simple ! Comment éradiquer les écarts de rémunération et de carrière, lisibles dans le RSU, quand vous refusez de mener des études d’impact sur des dispositifs comme le pacte qui sont des machines à produire des inégalités, quand vous refusez toute réflexion sur des mesures correctives, quand vous refusez de questionner le consentement sur les temps partiels auxquels ont recours une majorité des femmes, quand vous refusez de mener des études de cohortes alors même qu’elles sont exigées dans les accords égalité que vous avez pourtant signés. Comment expliquer tous vos freins à la rédaction du dispositif VDHA dont l’arrêté a été publié cet été alors même que le décret vous oblige depuis mai 2020. Et maintenant alors même que les résultats des études de chercheuses du CNRS font la preuve que l’index égalité dans le privé joue contre l’égalité, vous voulez une fois de plus gagner du temps en voulant le transférer dans notre ministère dont 72% des agents sont des femmes. Pour la FSU le temps n’est plus aux déclarations d’intention, elle exige des actes forts et des moyens suffisants pour faire de l’égalité pro et de la lutte contre les VSS une réalité.
Monsieur le Ministre il est grand temps de revoir le dialogue social et les réponses apportées.