La conférence de presse de ce mardi confirme bien que le président de la République a, en fait, la charge du ministère de l’éducation nationale, ce qui n’est pas sans poser quelques problèmes en termes de dialogue social. Faudra-t-il demander un rendez-vous à l’Élysée à chaque fois qu’il y aura une réforme, un texte à étudier ou un problème à traiter ? Lors de celle-ci, Emmanuel Macron s’est largement exprimé sur les questions d’éducation, et la teneur de ses propos confirme aussi nos inquiétudes quant à une droitisation de son discours et à la mise en avant de propositions qui ne répondent en rien aux problèmes de fond auxquels peut être soumis aujourd’hui le système éducatif.
Madame la ministre, la FSU se fait une nouvelle fois la porte-parole d’une profession en colère face au mépris que vous avez exprimé envers le service public d’éducation. Pour justifier votre choix de mettre vos enfants à « Stanislas », une école confessionnelle privée, vous avez directement critiqué l’école publique pour les heures non remplacées, et implicitement fait du service public d’éducation un lieu où les enfants sont malheureux, n’ont pas d’amis, ne sont pas épanouis et n’apprennent pas de savoirs exigeants. La FSU rappelle la force du projet scolaire de l’école publique, laïque, gratuite et obligatoire : accueillir partout tous les élèves sans distinction d’aucune sorte, être ambitieux pour chacun, respecter et participer à une véritable liberté de conscience notamment par la construction de l’esprit critique autour de savoirs scientifiquement validés. Elle continue à porter ce projet en demandant que la scolarité soit obligatoire jusqu’à 18 ans. Les propos que vous avez tenus sont d’une très grande violence pour les personnels qui s’épuisent, par conscience professionnelle, à faire vivre l’école publique au quotidien, malgré des conditions de travail qui se détériorent chaque année par des moyens insuffisants et par des « réformes » qui ne lui permettent pas d’assumer correctement ses missions. Les personnels ne sont pas responsables des heures d’enseignement non remplacées, ni de la détérioration du service public, à l’inverse des politiques menées par vos prédécesseurs et que vous comptez poursuivre, voire amplifier.
La politique menée et les choix budgétaires engagés de longue date et renforcés depuis 2017 par le Président Macron ont mis à mal le système et dégradées les conditions d’enseignement et d’apprentissage des élèves. Ce n’est pas en supprimant des milliers de postes d’enseignant·es, ni en bricolant un « Pacte », que le ministère parviendra à mettre en place un dispositif de remplacement efficace. Nous rappelons ici les suppressions d’emplois (près de 8000 dans le second degré public), l’absence de revalorisation pour résoudre la crise d’attractivité, la dégradation des conditions de travail, l’organisation d’une forme de séparatisme scolaire en favorisant si souvent le privé au détriment du public.
La rentrée 2024 se prépare une nouvelle fois dans des conditions extrêmement difficiles avec de nouvelles fermetures d’écoles et une restructuration sans précédent de l’offre de formation en LP, dans un contexte où le précédent ministre de l’éducation, devenu Premier ministre, aurait dégagé des moyens pour mettre en œuvre un choc des savoirs qui ne fera qu’accentuer les inégalités scolaires. Ce projet d’école cherche à rassurer les classes moyennes en proposant un projet profondément réactionnaire. Contrôler les pratiques enseignantes, rassurer la capacité de l’école à faire réussir les enfants des classes moyennes et redonner de l’autorité à l’enseignant·e semblent être les leviers utilisés pour faire passer une réforme visant à « élever le niveau de notre école ». Cependant, élever le niveau de l’école ne signifie pas nécessairement élever le niveau de tous les écoliers. Si l’augmentation des exigences est nécessaire, elle doit absolument s’accompagner de moyens pour permettre aux enfants les plus éloignés de la culture scolaire de réussir. Sinon, elle ne fera que développer et renforcer les inégalités déjà présentes dans le système éducatif. Une attention particulière doit donc être portée aux publics les plus fragiles, et des moyens conséquents doivent être mis en œuvre pour éradiquer le tri social qui s’organise à l’école. Au lieu de fournir les moyens nécessaires, cette politique semble préférer écarter les élèves les plus en difficulté afin qu’ils ne freinent pas ceux qui pourraient « s’envoler ». Pour ce faire, des groupes de niveau, pourtant connus comme inefficaces pour les élèves en difficulté, seraient mis en place. Le redoublement à la discrétion des équipes éducatives et une réforme du Diplôme National du Brevet (DNB) comme un examen d’entrée au lycée seraient aussi instaurés. De manière inquiétante, le ministère assumerait pour la première fois une baisse de réussite aux examens comme un gage d’excellence. Cette vision régressive est à l’opposé des politiques menées au siècle dernier permettant la démocratisation de l’accès au lycée et à l’enseignement supérieur.
Au lycée professionnel, sous couvert du développement de groupes à effectif réduit en mathématiques et en français, votre politique poursuit la diminution du nombre d’heures d’enseignement au profit de plus de temps en entreprise. Cette approche répond à deux injonctions du MEDEF : recentrer les enseignements sur les fondamentaux (lire, écrire, compter) et faire de l’entreprise l’acteur majeur du parcours de certification de l’élève. Ainsi, demain, en lycée professionnel, le « choc des savoirs » se traduira par moins d’enseignement et plus d’entreprise. Les entreprises sélectionneront les jeunes et les formeront en fonction de leurs besoins, et ce, avant l’obtention du diplôme. La baisse de réussite aux examens déjà assumée par le ministre fait craindre une utilisation décomplexée des blocs de compétences en formation initiale et, à terme, une baisse du niveau de qualification de nos jeunes. La FSU continue à demander une toute autre réforme pour les lycées professionnels.
Pour la FSU, l’Éducation Nationale a besoin d’un ou d’une ministre de plein exercice et qui a à cœur de défendre l’école publique et ses personnels. Elle exige des actes pour répondre à toutes les préoccupations de la profession : salaires insuffisants, conditions de travail dégradées, inclusion des élèves en situation de handicap sans moyens, attractivité du métier. Le chantier de la mixité sociale mis à l’arrêt sur ordre du président de la République devra être relancé. Les chantiers sont vastes et les annonces faites par le précédent ministre ou par le Président de la république sont très loin de répondre aux préoccupations quotidiennes de la profession. La FSU appelle les collègues à exprimer leur colère face aux politiques de l’école du tri social, mais aussi leur détermination à obtenir des moyens pour l’école publique en étant massivement dans la rue et dans la grève le 1er février.
Enfin, la FSU rappelle son opposition à la loi Immigration qui aura des impacts concrets dans l’Éducation nationale et dans l’Enseignement supérieur, pour nos collègues étrangers qui seront privés d’une partie de leurs droits sociaux, pour nos élèves et étudiant·es qui auront des conditions d’accès aux études fortement détériorées, qui subiront la perte des allocations familiales ou seront privé·es du droit à vivre en famille et qui obtiendront plus difficilement la nationalité française. L’adoption de cette loi par le Parlement revient à renier les valeurs de la République que l’école doit pourtant transmettre à l’ensemble des enfants et des jeunes vivant en France.
La FSU, avec les organisations SGEN-CFDT, FNEC-FP/FO, SUD-Éducation, Solidaires, Sud-Recherche, la FERC-CGT, l’UNEF, l’Union Étudiante, Solidaires Étudiant-es et la FIDL, appellent l’ensemble des étudiantes et étudiants, ainsi que les personnels de l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur, à se mobiliser et à participer aux rassemblements unitaires organisés partout en France le 21 janvier pour demander que cette loi xénophobe, raciste et discriminatoire ne soit pas promulguée et en exiger le retrait.