Mme et M. les membres du conseil supérieur de l’éducation

M. le Ministre

Ce  dernier CSE de l’année scolaire est l’occasion pour la FSU de faire un premier bilan des politiques éducatives menées sous votre responsabilité. Loin d’être en rupture avec les politiques de votre prédécesseur, vous amplifiez ses orientations qui mènent pourtant le service public de l’éducation dans l’impasse. Et quels que soient les sujets, une ligne directrice se dégage, votre volonté de vous défausser sur les personnels sommés d’assumer les défaillances de l’État. Vous maintenez un pilotage autoritaire, sans réelle concertation avec les personnels, en continuant les injonctions et l’imposition de « bonnes » pratiques, vous multipliez la contractualisation à tous les niveaux et poursuivez le transfert progressif  des missions d’éducation et de formation au privé.

Comme le souligne le récent rapport de l’observatoire des inégalités, en 30 ans, « les gouvernements  n’ont rien entrepris pour rendre l’école plus juste. Les résultats des élèves sont liés en partie, dès le plus jeune âge, au milieu social de leurs parents » et les écarts continuent à se creuser au fil des reformes mises en œuvre.

Les enfants défavorisés « décrochent et attendent l’âge de fin de la scolarité obligatoire ». Le lycée poursuit son rôle de tri social et la réforme des lycées professionnels va amplifier le phénomène en limitant les poursuites d’étude des élèves des milieux les plus pauvres.

En renvoyant la responsabilité des parcours de formation sur les élèves et leurs familles, en fragilisant le service public d’Éducation depuis des années, c’est bien les milieux les plus défavorisés qui sont les plus impactés, ceux qui ne peuvent pas compenser les défaillances de l’État en ayant recours aux cours privés complémentaires ou encore à l’enseignement privé qui ne s’est jamais aussi bien porté.

Ainsi l’enseignement supérieur privé, boosté par la loi « avenir pro » de 2018 et le développement de l’apprentissage, subventionné en grande partie par l’argent public, est en plein essor et continue à attirer la  convoitise d’anciens responsables politiques, toujours plus nombreux, désireux de participer à la marchandisation de l’École pour le compte de multinationales.

Les résultats des concours de recrutements enseignants sont connus ou en passe de l’être :

  • Dans le premier degré, ce sont 1534 postes qui sont perdus sur trois académies (Créteil, Guyane, Versailles). Dans les autres, si tous les postes de la liste principale sont pourvus, la tension dans les départements amène depuis plusieurs années les rectorats à recruter des contractuel·les.
  • Dans le second degré, les résultats de l’admissibilité au CAPES sont tombés, 6 893 admissibles pour 4 883 postes soit un ratio de 1,41.

 

Comme nous le pressentions dès le 7 avril dernier, à la découverte du nombre de candidat·es par concours, le choc d’attractivité que vous avez promis l’an dernier n’a pas eu lieu. Une situation qui augure d’une prochaine rentrée tout aussi catastrophique que la dernière.

La FSU se félicite de l’ouverture du recrutement des listes complémentaires dans le premier degré. Ces candidat·es inscrit·es sur listes complémentaires doivent être recruté·es prioritairement aux contractuel·les. Mais la FSU appelle à des mesures d’urgence plus globales : le financement des années d’études, un plan pluriannuel de recrutement, l’ouverture de listes complémentaires pour tous les concours, l’attribution de moyens financiers pérennes pour assurer la formation initiale et continue afin qu’elle ne se réduise pas à de « l’accompagnement » à l’entrée dans le métier dont les conditions doivent être également améliorées.

Vos reformes, et celles de votre prédécesseur, ont pour conséquence la désorganisation de l’École, le manque de pilotage clair, une démarche sciemment pensée qui met aussi l’ensemble des personnels en position d’insécurité professionnelle permanente. Ordre, contre-ordre, absence de consignes claires, pression sur les personnels malgré tout, on se croirait revenu aux plus grandes heures du précédent quinquennat pendant la période Covid. Au-delà de la mise en place précipitée du pacte, la logique de celui-ci est en train de faire dysfonctionner les équipes pédagogiques et éducatives. Besoin de collectif ? Le pacte induit de la concurrence. Besoin de stabilité, de projections ? Le pacte induit du flou et de l’incertitude. Besoin de financement pour les projets ? Tout devient prétexte à l’innovation pédagogique (végétalisation des écoles et établissements, médiation animale, voyage scolaire, etc.), pour faire passer une des briques du pacte, sans considération pour les projets existants. A vouloir appliquer à tout prix une commande présidentielle hors-sol, qui ne répond en rien aux besoins de l’École et des personnels, vous mettez sous tension tout notre système éducatif.

Une récente étude, montre pourtant bien que le moral des agent·es de la Fonction publique continue de se dégrader en 2023. Cette même étude met en évidence la situation particulière des personnels de l’éducation, ainsi 76 % estime être mal payé, dépassant ainsi la moyenne de 68 % de la fonction publique et  83 % expriment un pessimisme quant à leur perception de l’avenir. Leur frustration face au manque de ressources pour accomplir efficacement leur travail est également soulignée pour  85 % d’entre eux et 86 % considèrent que le matériel et les équipements sont inadaptés. 67 % des enseignant·es expriment des difficultés pour concilier vie privée et vie professionnelle. Il y a donc urgence à rompre avec vos politiques qui ne revalorisent pas réellement les métiers de l’éducation, qui ne répondent pas à la crise de recrutement et qui continuent à détériorer les conditions de travail des personnels. Or, aujourd’hui votre ministère nous propose un texte qui prétend « organiser la continuité pédagogique en cas d’absence d’un enseignant ». Mais qui est en défaut dans le remplacement des enseignant·es absent·es ? Vous voulez faire peser cette responsabilité sur les enseignant·es. En instrumentalisant ces chiffres, vous entretenez le cliché du professeur absent, rendant les personnels responsables d’une carence de l’État. Le nombre d’heures non assurées le plus important relève bien de décisions budgétaires et politiques répétitives pour diminuer le nombre de postes offerts dans les différents concours de l’éducation nationale, même dans ceux où le vivier existe. Les suppressions de postes par milliers, dans le premier comme dans le second degré, l’absence de revalorisation digne de ce nom sont autant de freins à la continuité pédagogique ! Dès le début d’année, des élèves ne bénéficient pas de toutes leurs heures d’enseignement. Dans ce contexte, le remplacement de courte durée ne sera qu’une rustine pour un système bien mal en point.

Plutôt que ce bricolage institutionnel, la FSU vous demande une fois de plus d’investir dans le service public de l’éducation nationale, pour nous cela doit être la priorité absolue, c’est de l’avenir de notre jeunesse dont il s’agit.

La prévention du harcèlement scolaire souffre comme bien d’autres missions qui sont confiées au service public d’éducation d’un manque évident de personnels pour enseigner et éduquer. Combien d’établissements scolaires sont sans infirmière, sans assistante sociale sans psychologue de l’éducation nationale ? Combien d’établissement vont perdre des AED ? Où trouver le temps pour travailler en équipe pluriprofessionnelle à la prévention et au traitement des situations de harcèlement ? Les personnels se trouvent souvent démunis, faute de moyens, de temps et d’un cap clair en la matière. Le harcèlement scolaire est un fléau qui nécessite la mobilisation de toute la communauté éducative et bien au-delà de toute la société : c’est à l’éducation nationale de faire en forte que les jeunes scolarisé·es ne soient plus les victimes des réseaux sociaux et à l ’État de rappeler les responsabilités de ceux-ci en matière de cyberharcèlement.

Combien de mesures depuis le début de cette année scolaire auront fait l’unanimité des organisations syndicales représentatives des personnels contre elles ? Nous redisons ici que l’école et les élèves ont besoin de personnels en nombre suffisant, formés et mieux rémunérés. La réforme engagée dans la voie professionnelle est clairement à l’opposé des besoins exprimés par les personnels, les familles et les entreprises de proximité qui accueillent nos élèves en stage et qui parfois les embauchent. La FSU réaffirme son opposition au pacte, exige son abandon et le versement des sommes consacrées dans la partie socle. Elle demande en urgence l’abandon du SNU, une remise à plat de l’ensemble des réformes des lycées, une réforme de l’éducation prioritaire ambitieuse et des moyens pour le service public d’éducation afin qu’il puisse lutter efficacement contre les inégalités scolaires.