Dans la situation actuelle, le changement climatique devient de plus en plus visible et de plus en plus rapide. Or on continue à bétonner à tout va, pour le plus grand bénéfice de Vinci, Arcos, Sanef…

Dans toute la France, le béton coule à flots continus : projet de contournement autoroutier d’Arles, contournement de Beynac en Dordogne (heureusement l’arrêté du préfet de la Dordogne autorisant la création d’une nouvelle route et de deux nouveaux ouvrages pour franchir la Dordogne dans une zone classée par l’UNESCO a été annulé par le tribunal administratif de Bordeaux), projet pharaonique d’Europacity (énorme parc de loisirs et zone commerciale près de Paris), et en Alsace, le Grand Contournement Ouest de Strasbourg (GCO).

Des conséquences environnementales désastreuses

En Alsace, ce sont 350 hectares de terres fertiles du Kochersberg ainsi que des forêts qui sont ainsi sacrifiées, et les territoires de plusieurs communes coupés en deux. Cette partie de la région sera gravement défigurée. Pourtant, il est urgent de rapprocher les productions agricoles des villes (pour des questions de pollution, d’emplois locaux et de sécurité alimentaire).
La nature payera un prix particulièrement élevé pour ce projet délirant : perte de 27 hectares de forêt, 45 hectares de zones humides, atteinte à des centaines d’espèces végétales et animales, dont le grand hamster, le crapaud vert, de nombreux oiseaux et insectes.

Un projet inutile

Le GCO aurait-il au moins une utilité pour réduire les problèmes réels de circulation autour de Strasbourg ? Non : les Alsacien·nes qui se rendent à leur travail ne vont sans doute pas emprunter quotidiennement une autoroute à péage. Mais le GCO va attirer des camions qui traversent l’Europe du nord au sud, puisque le péage sera moins cher que les taxes allemandes. N’oublions pas que l’Alsace est une plaine, et qu’éloigner de quelques kilomètres la circulation ne résoudra en rien les problèmes de pollution (Strasbourg est la cinquième ville la plus polluée de France), avec la fréquence des vents sud-ouest. Le contrat d’exploitation avec Vinci est de 54 ans, et si les bénéfices ne sont pas ceux qui sont attendus par la multinationale, ce sont des fonds publics qui compenseront !

Une mobilisation multiforme

Alsace Nature a déposé de nombreux recours sur certaines parties du chantier. Mais la voie juridique sera bientôt épuisée. Il faut dire que les opérateurs du GCO ont à plusieurs reprises commencé les travaux sans attendre les décisions de justice. En septembre 2018, le service archéologie de la préfecture a prescrit une fouille sur le chantier. Mais Arcos, filiale de Vinci, qui a déjà été visée par un rappel à l’ordre pour six entraves aux travaux d’archéologie, a recouvert la zone d’un remblai.
La lutte du collectif anti-GCO est non-violente : chantiers retardés par occupation des lieux, dénonciation du Crédit Agricole qui finance pour une part importante ce chantier, pétitions, grève de la faim pendant quatre semaines, manifestations rassemblant des centaines de citoyen·nes, installation de zadistes, théâtre d’intervention… On a assisté aussi à un festival de retournement de vestes : Nicolas Hulot, qui a signé comme ministre la Déclaration d’Utilité Publique, donne raison aux opposant·es depuis sa démission ; Roland Ries, maire de Strasbourg, qui était opposé au projet, y est maintenant favorable.

Mais que fait la « justice » ?

Le pouvoir méprise les mobilisations, et même les élu·es loca·les : les maires n’ont plus autorité sur leur commune, le préfet étant donneur d’ordres. Martine Wonner, députée LREM opposée au projet comme beaucoup d’élu·es, n’a pas eu l’honneur de rencontrer Emmanuel Macron, qui est pourtant venu en Alsace à plusieurs reprises, pour évoquer ce sujet. La répression est brutale : gaz lacrymogènes, brutalités à l’encontre de certaines personnes y compris des villageois·es âgé·es, convocations en gendarmerie et gardes à vue, poursuites judiciaires contre des militant·es, en particulier les jeunes zadistes, le plus souvent pour « outrage » et « rébellion » ! À titre d’exemple, le 5 mars 2019, des militant·es ont promené le portrait de Macron sur le chantier, afin qu’il voie les dégâts de ce bétonnage forcené ; trois d’entre eux sont poursuivis pour « vol en réunion ». Le 9 avril, rebelote, cette fois avec la participation de plusieurs maires de villages concernés : ce sont les portraits des quatre derniers présidents qui prennent l’air. Mais que fait la « justice » ?
Le vendredi 19 avril 2019, une manifestation a eu lieu sur le chantier, dans le cadre de l’opération « Bloquons la république des pollueurs ». Les zadistes de la ZAD du Moulin ont installé une cabane sur le tracé du chantier, un « lieu de vie alternatif », pour cultiver, et respecter la terre. Voici ce qu’elles et ils en disent : « Quand le système fait fausse route, quand la justice devient injuste, quand l’argent et le pouvoir occultent tout esprit critique à ceux qui nous gouvernent, la désobéissance civile devient un devoir afin de se battre pour la Justice ». Les forces de l’ordre sont intervenues brutalement ; treize jeunes zadistes ont passé le weekend pascal en garde à vue dans six gendarmeries, ce qui complique les manifestations de soutien.
Il y aura encore des audiences sur le fond, mais pendant ce temps les travaux se poursuivent. Des élu·es apportent leur soutien aux actions contre le GCO : Dany Karcher, maire de Kolbsheim, Luc Huber, maire de Pfettisheim, des député·es européen·nes comme Karima Delli ou José Bové, les député·es Martine Wonner et François Ruffin…

La seule solution est d’amplifier la lutte, et de la populariser ; les jeunes Européen·nes se mobilisent pour le climat, il y a des manifestations régulières. En Alsace, la lutte contre le GCO constitue un bel exercice pratique pour bloquer bétonneurs et pollueurs !

Jean-Louis Hamm, militant du mouvement anti-GCO (article publié dans la revue Silence)


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