Le pacte dans les LP se composera d’un empilement non sécable de briques : un personnel qui s’y engagerait acceptera donc d’effectuer 6 missions sur les 8 éligibles en lycée pro. Les missions, pour l’essentiel orientées vers le déploiement de la réforme.

Cette réforme vise clairement la transformation de l’enseignement professionnel public sur le modèle de l’apprentissage avec nos métiers et nos statuts comme cibles. Cette réforme est en réalité un outil au service des entreprises pour pallier le manque de main-d’œuvre dans des secteurs d’activité identifiés. Elle n’est aucunement guidée par l’intérêt des élèves.

L’objectif central de ce projet, c’est mettre les élèves les plus fragiles scolairement et économiquement “au pas” par le travail. Et pour atteindre ce but, le pacte LP en est l’outil principal.

La brique « accompagnement des élèves en difficulté » qui correspond à la mesure concernant le décrochage
porte en réalité l’objectif d’externaliser les missions de décrochage hors l’école. Les enseignant·es devront
signaler sur des signaux faibles, donc précocement, les élèves afin qu’ils soient extraits des établissements et
basculés vers des structures d’accompagnement à l’emploi. Le ministère est clairement en train d’organiser la
déscolarisation des élèves les plus fragiles !
Toutes les autres missions sont orientées vers la préparation à l’emploi, révélant crûment la vision travailliste
du ministère pour la jeunesse et son renoncement à l’ambition scolaire pour celle la plus fragile socialement.

Par l’annualisation et surtout le contenu même des missions, le pacte LP orchestre un basculement de nos métiers et de notre statut : d’enseignant·es nous nous dirigeons vers celui de formateur ou d’agent de France Travail.

L’annonce d’un financement d’1 milliard d’euros supplémentaire est principalement absorbé dans trois mesures de la réforme

  • 400 millions € pour les gratifications de stage
  • 450 millions € pour le pacte
  • 150 millions € pour la mise en place des bureaux des entreprises

Donc toutes les mesures qui peuvent sembler attractives seront soit à moyens constants soit mises en œuvre dans le cadre du pacte.

 

MESURE 1 : GRATIFIER LES PERIODES DE STAGE DES ÉLÈVES DE LA VOIE PROFESSIONNELLE DÈS LA RENTRÉE 2023

Aider financièrement les élèves des lycées pros est une bonne chose, faire le choix de conditionner cette aide à l’effectivité des stages est en revanche un très mauvais signal. Faire ce choix n’est pas une valorisation de la voie professionnelle dans son ensemble mais une valorisation de ce qui se passe hors l’école. C’est penser la formation professionnelle initiale des jeunes au seul prisme du travail, celui de la simple reproduction des gestes techniques et non de la formation globale et équilibrée entre savoirs généraux et savoirs professionnels (en établissement).

 

MESURE 2 : PERMETTRE DES ENSEIGNEMENTS AUX SAVOIRS FONDAMENTAUX EN CLASSES RÉDUITES

Les cours de français et mathématiques se feraient en effectif réduit en seconde selon le document présentant la réforme. Cette mesure n’est pas financée par des heures de DHG, ni pour les élèves, ni pour les enseignant·es. Pour pouvoir enseigner uniquement en groupes à effectifs réduits, les enseignant·es de français et mathématiques devront accepter le pacte avec la mission “enseignement complémentaire en groupes à effectif réduit”. Sinon, pas de dédoublement.

 

MESURE 3 : PERMETTRE AUX ÉLÈVES DE CHOISIR DES OPTIONS

Cette mesure propose l’ouverture d’options en LP notamment en langues, en codage et en entrepreunariat. Ces options ne sont, une fois de plus, ni financées pour tous les élèves ni dispensées par tous les enseignant·es. Seuls celles et ceux qui s’engageront dans le pacte sur les missions “innovation pédagogique”, “accompagnement vers l’emploi” ou “coordination des projets d’innovation pédagogique” pourront les enseigner ou faire intervenir des “partenaires extérieurs” pour les rendre effectives.

Ces options visent à développer le travail le plus précaire et le moins sécurisé de notre société puisqu’il n’ouvre ni droits au chômage, ni droits à la retraite. On est clairement dans le formatage à l’uberisation.

Reste que ces options devront trouver une place dans l’emploi du temps des élèves. S’il reste limité à 30 h/semaine avec le maintien des dispositifs Blanquer, il ne laissera que peu de temps pour les enseignements disciplinaires pourtant indispensables à la réussite de nos élèves aux diplômes. Et une fois de plus, les personnels qui piloteront ces options seront ceux qui signeront le pacte.

 

MESURE 4 : ANNÉE DE TERMINALE EN LIEN AVEC LE PROJET DE L’ÉLÈVE : OBTENIR UN DIPLÔME PUIS, SOIT ACCÉDER À L’EMPLOI, SOIT POURSUIVRE SES ÉTUDES

L’organisation de la classe de terminale bac pro se verra complètement bouleversée dès la rentrée 2024.

Organisation envisagée

  1. Septembre à mars : 1re session de PFMP pour tou·tes les élèves
  2. Mars : une semaine dédiée aux épreuves certificatives écrites
  3. Mars/avril : 2ème session de PFMP
  4. Mai : épreuve orale (semblable au grand oral)
  5. Mai/juin : division des classes en deux parties

– élèves qui souhaitent poursuivre leurs études : cours intensifs en LP

– élèves qui ne souhaitent pas poursuivre leurs études : en stage, 4 à 6 semaines

D’un point de vue pédagogique, il est ridicule de penser que quelques semaines de cours, aussi intensives soient-elles, pallient les lacunes et les pertes horaires engendrées par toutes les réformes précédentes.

Pour s’insérer dans la vie active : de 4 à 6 semaines de stage pouvant potentiellement déborder sur le temps des vacances scolaires. Les personnels s’engageant dans le pacte auront en charge du suivi et de l’accompagnement de ces élèves.

Les chef·fes d’établissements seront soumis à des indicateurs et tenus de “faire du chiffre”, aussi bien en matière d’insertion que de poursuite de formation. Leurs objectifs pourront varier selon que les dispositifs du bac +1, ou ceux liés au décrochage seront ou non présents dans leur établissement. Une nouvelle aggravation des inégalités entre élèves et entre établissements est donc à craindre.

 

MESURE 5 : PENDANT ET APRÈS LE LYCÉE : TOUS DROITS OUVERTS ; AMBITION EMPLOI ; PARCOURS DE CONSOLIDATION

. Les personnels qui feront le lien entre les établissements et les dispositifs sont, là aussi, celles et ceux qui signeront le pacte.

TOUS DROITS OUVERTS

“Tous droits ouverts” est un dispositif de signalement ayant pour objectif, une fois l’élève “détecté” précocement grâce à “des signaux faibles”, de le basculer vers des structures de proximité d’accompagnement, d’insertion ou de formation (qualifiante ou pas d’ailleurs).

Certain·es élèves seront donc “extraits” des LP pour être placés dans des structures d’insertion professionnelle. Penser que l’on peut alimenter les métiers en tension (car c’est aussi de ça dont il s’agit) avec les jeunes les plus en difficulté socialement et scolairement est une vision dogmatique qui ne fait qu’augmenter les inégalités scolaires et le séparatisme des jeunesses. En accélérant le traitement du décrochage, sans en avoir posé le diagnostic ni laissé le temps à la remédiation, l’Éducation nationale, en réalité, organise la déscolarisation des jeunes les plus fragiles – ceux qui ont le plus besoin de l’école !

 

AMBITION EMPLOI

Ce dispositif s’adresse aux jeunes avec ou sans diplôme qui, en septembre, après leur cursus initial au lycée, sont sans emploi et sans solution de formation – l’idée étant de les ramener pendant 4 mois maximum (donc jusqu’en décembre), en lycée pro pour les mettre en stage, en immersion en classe de terminale, en contact avec des recruteurs, et/ou leur trouver un contrat d’apprentissage…

Or, c’est bien la qualification par un diplôme qui garantit les droits à l’emploi et qui sécurise l’avenir professionnel des jeunes. Et toutes les études le démontrent, plus on est qualifié plus on est maintenu en emploi. Ce qui se dessine ici, c’est une dangereuse évolution du métier de PLP, un basculement de nos missions d’enseignement vers des missions d’accompagnement à l’insertion, suite logique de la transformation de la voie pro (TVP) initiée par J.-M. Blanquer et la mise en place d’un module d’insertion professionnelle en terminale. Et si les entreprises peinent à recruter, charge à elles d’améliorer les salaires et les conditions de travail pour rendre leurs emplois attractifs.

 

PARCOURS DE CONSOLIDATION

Les étudiant·es bachelier·es professionnel·les en difficulté en 1re année de BTS pourront bénéficier de soutien et d’un parcours en 3 ans pour obtenir le BTS.

 

MESURE 6 : MIEUX PRÉPARER L’INSERTION PROFESSIONNELLE GRÂCE À DES PARTENARIATS EXTÉRIEURS

France Travail et ses partenaires pourront accompagner chaque élève de LP en classe de terminale pour son insertion professionnelle à venir. C’est la généralisation du dispositif Avenir Pro dont le bilan n’a pas été rendu public. Cette mesure est en lien direct avec la mission “accompagnement vers l’emploi” du pacte. Les enseignant·es qui mettront en œuvre ces partenariats devront s’engager dans le pacte.

C’est une vision uniquement utilitariste du lycée professionnel et un renoncement à la double finalité des diplômes. Certaines des heures d’enseignement initialement dédiées au professeur·es se verraient dorénavant externalisées vers des “professionnels de l’emploi”. Mais les PLP sont avant tout des enseignant·es et non des “accompagnant·es” au service des entreprises. L’emploi est de la responsabilité de l’entreprise et l’aide à la recherche d’emploi celle de France Travail.

C’est en renforçant les disciplines dans leurs horaires, dans les contenus et dans les moyens dédiés que cet objectif sera atteint. Si France Travail doit se mettre à la disposition des élèves, ce doit être en dehors de leurs emplois du temps au risque sinon d’accroître leur échec au bac pro et au CAP ou d’entraver leurs poursuites d’études !

 

MESURE 7 : ADAPTER L’OFFRE DE FORMATION POUR PRÉPARER L’AVENIR PROFESSIONNEL DES JEUNES EN FIXANT DES OBJECTIFS AMBITIEUX

Les filières existantes dans les LP évolueront au prisme des besoins locaux et immédiats des entreprises de proximité et vers les métiers en tension : ceux qui peinent à recruter du fait des consitions salariales et de travail déplorables.

Utopique adéquation

Comment indiquer 100 % de formations insérantes à la rentrée 2026 alors que toutes les études s’accordent à dire que les besoins économiques peuvent évoluer ou qu’une crise sanitaire, par exemple, peut tout faire bouger. Le temps des “besoins de recrutement” et celui de la formation sont par nature asynchrone ! Par ailleurs, rien n’indique à ce stade que les Régions seront prêtes à investir des sommes considérables dans les nécessaires évolutions des plateaux techniques tous les 3 ou 4 ans. Elles ont leur mot à dire sur la carte des formations des lycées professionnels : sans leur validation, pas d’ouverture ou fermeture.

 

Vers des plans sociaux ?

Modifier les filières rapidement et de manière pluriannuelle comme l’entend le gouvernement, impliquera inéluctablement un vaste plan de reconversions forcées des PLP, notamment des filières tertiaires.

Le ministre de l’Éducation a déjà annoncé dans les médias que les PLP iront enseigner au collège ou en primaire ! Les PLP comme les certifié·es et les professeur·es des écoles sont formé·es à des métiers pas à des secteurs d’activité !

80 fermetures/ouvertures de sections sont déjà annoncées pour 2023. Quant aux ouvertures envisagées, elles sont majoritairement dans les CFA et pas dans les lycées pros. On ferme donc brutalement les filières scolaires pour alimenter et développer l’ apprentissage !

Le taux de démission risque fort de bondir. Ce qui conviendra parfaitement au gouvernement dans sa logique de suppressions de postes dans les lycées professionnels et de développement de l’apprentissage.

 

MESURE 8 : PASSER DE 4 500 À 20 000 LE NOMBRE DE PLACES EN FORMATION DE SPÉCIALISATION EN BAC + 1 À LA RENTRÉE 2026, AFIN DE FACILITER L’INSERTION PROFESSIONNELLE DES LYCÉENS

Cette mesure ne prévoit que la création de formations courtes et complémentaires après le diplôme. Des “spécialisations professionnelles” devraient donc être créées et prises en charge par les PLP qui signeront pour la mission “accompagnement vers l’emploi” du pacte. Ces “bac +1” ne seront vraisemblablement pas dotés en DHG, donc sans création d’emplois. L’exercice de cette mission post bac pro sera donc aussi annualisé.

Le gouevrnement affirme que son objectif est de multiplier les chances pour les élèves d’être recruté·e alors ce ne sont pas des formations mais juste un dispositif d’accompagnement vers l’emploi. Et dans ce cas, cette fonction ne relève pas de l’Éducation nationale mais du ministère du Travail au travers de France Travail. Chacun son métier !

 

MESURE 9 : CRÉER UN BUREAU DES ENTREPRISES DANS CHAQUE LYCÉE

À la rentrée 2023, 2 100 bureaux d’entreprises seront créés. Les personnels dédiés seront recrutés par le/la chef·fe d’établissement et auront comme missions de créer un réseau et un partenariat avec les entreprises du bassin économique, d’organiser les temps et la recherche de stages, de faire participer les professionnels aux activités du lycée et de participer aux fermetures et ouvertures de filières.

Une mesure dans la même logique que les autres : une vision de la formation professionnelle qui doit être aux services des entreprises. Ce qui n’est pas dit explicitement mais certain : ce bureau sera en réalité le bras armé du développement de l’apprentissage dans les EPLE.

Sous couvert de développer un réseau d’entreprises spécifique à l’établissement, pour aider les élèves à trouver des lieux de stage (travail qui est déjà largement fait en LP avec l’appui des DDF, des ATDDF ou des coordos), le gouvernement met en place une véritable structure dédiée pour faire entrer l’entreprise dans tous les domaines de la formation du jeune.

 

MESURE 10 : PERMETTRE AUX PROFESSEURS VOLONTAIRES D’EXERCER DE NOUVELLES MISSIONS RÉMUNÉRÉES POUR FAVORISER LA RÉUSSITE ET UN MEILLEUR ACCOMPAGNEMENT DES ÉLÈVES

MISSIONS DU PACTE LP

  1. Enseignement et accompagnement dans les périodes post bac professionnel : 24h annuellement
  2. Enseignement complémentaire en groupes à effectif réduit : 24 h annuellement
  3. Intervention dans le cadre de la découverte des métiers au bénéfice des collégien.nes : 24 annuellement
  4. Encadrement de la découverte des métiers dans les classes de 5ème, 4ème et 3ème : non quantifié
  5. Accompagnement des élèves en difficulté (dispositif Tous droits ouverts) : non quantifié
  6. Accompagnement vers l’emploi (dispositif Ambition emploi) : non quantifié

Chaque mission est pensée comme une brique équivalente à 1250 euros bruts. En collège et LGT, les collègues auront le choix de prendre 1, 2 ou 3 briques. Pour les LP, le ministère envisage un pacte complet à 5 briques : tout le mur !

 

MESURE 11 : ACCOMPAGNER UNE PRISE DE FONCTION RÉUSSIE DES NOUVEAUX CHEFS D’ÉTABLISSEMENT DE LYCÉE PROFESSIONNEL

Dès la rentrée scolaire 2023, les chef·fes et les adjoint·es affecté·es en LP passeront par une case formation obligatoire. Les contenus de formation concerneront les PFMP (oui encore…), les enjeux économiques du bassin économique de l’établissement, et les règles de sécurité en atelier (enfin un contenu intéressant mais à voir…). Et pour assurer le déploiement de la réforme, ils et elles seront aussi formés aux “méthodes de conduite du changement”. À la rentrée 2024, ce seront tous les cadres qui devront subir cette “formation”.

 

MESURE 12 : PROFESSIONNEL AUTOUR DU PROJET DE L’ÉLÈVE

L’objectif de formation sera maintenant de “répondre aux besoins nouveaux pour faire évoluer la carte des formations”, et de “disposer d’une trousse de compétences sociale et comportementale à transmettre aux élèves”. Ainsi, tous les PLP de matière professionnelle devront  se soumettre à une formation obligatoire en entreprise ou en campus des métiers a minima tous les 3 ans.

 

LE SNUEP-FSU EXIGE L’ABANDON DE CE PROJET ! ENSEMBLE, SAUVONS LES LYCÉES PROS !

Le SNUEP-FSU appelle solennellement les collègues à refuser de signer le pacte.

Prenez connaissance de l’analyse complète du SNUEP FSU.