Manque de personnels, annonces ministérielles successives, pour la FSU et le Sgen-CFDT, l’Éducation nationale est déjà sous tension à quinze jours de la rentrée.
Catherine CHENCINER – Hier à 18:50 | mis à jour aujourd’hui à 14:07 – Temps de lecture : 4 min

À deux jours d’intervalle, deux des fédérations syndicales de l’éducation en Alsace, la FSU et le Sgen-CFDT, tirent le bilan d’une « rentrée insatisfaisante », à l’encontre du credo ministériel selon lequel il y a « un enseignant devant chaque élève ». « Il faut plutôt parler d’un adulte devant chaque classe », rectifie Géraldine Delaye, secrétaire départementale de la FSU 67, pour laquelle « l’administration use et abuse » des contractuels insuffisamment formés ou des professeurs des écoles stagiaires (247 postes sont ainsi dégagés) dont certains entrent dans la carrière « déjà en grande souffrance ». Et même ainsi, « on était en difficulté dans le premier degré au bout d’une semaine », ajoute Nicolas Nemett, représentant Sgen-CFDT.

Dans les écoles, en fonction de prévisions démographiques à la baisse, mais rarement stabilisées à la rentrée, le Bas-Rhin a perdu sept postes à la rentrée (il était d’abord question de 21), le Haut-Rhin 22. « Depuis plus de dix ans, on a pourtant des remontées précises sur les effectifs et la dégradation des conditions de travail », répète la FSU, reprochant au ministère d’être « déconnecté du terrain ». Exemple parmi d’autres : alors que ce dernier « met l’accent » sur la scolarisation des tout-petits de moins de 3 ans, elle n’a en réalité cessé de diminuer, du fait de mesures successives, telles les dédoublements de classes, « toujours mises en place à moyens constants ».

« ll manque au moins un enseignant dans un établissement sur deux »

La FSU calcule qu’il faudrait « 174 enseignants de plus pour assurer la continuité du service public » dans les écoles du Bas-Rhin, autour de 120 pour le Haut-Rhin et encore « 250 professeurs » dans les collèges et lycées. Aussi ses élus tiennent-ils, dans ce contexte, pour une « vraie aberration » l’ouverture à la rentrée de quatre classes immersives en allemand et en alsacien loin de faire le plein. « Il faut une réflexion poussée : le bilinguisme ne fonctionne pas, il concentre toutes les inégalités que nous dénonçons », lance Valérie Sibert-Poyet, secrétaire départementale de la FSU 68.

Dans le second degré, poursuit Arnaud Sigrist, co-secrétaire académique du Snes-FSU, où « les effectifs sont en fait en légère hausse, il manque au moins un enseignant dans un établissement sur deux. » « Aucune raison que cela change avec le pacte enseignant   », dispositif supposé, entre autres, faciliter les remplacements de courte durée entre collègues. Sans que ce soit appliqué, les syndicats évaluent les adhésions « à moins de 20 % dans les écoles et collèges, encore moins dans les lycées, en tout cas loin des 30 % annoncés par le ministère ». La FSU l’interprète par « la colère des enseignants qui ont perdu 10 % de leur pouvoir d’achat », le Sgen-CFDT y voit « une opposition psychologique ». « Ils attendaient une revalorisation reconnaissant l’ensemble de leur travail », relaye Nicolas Nemett.

« Qu’on nous laisse travailler, qu’on nous fasse confiance ! »

En outre, le dispositif risque par son « manque de lisibilité et de souplesse », de « désorganiser des collectifs de travail », prévient Chloé Muller, secrétaire générale du Sgen-CFDT Alsace. Pour Sophie Reitzer, du même syndicat, « cela ne fonctionnait pas si mal, grâce aux personnels soucieux d’une école de qualité. Qu’on les laisse travailler, qu’on leur fasse confiance ! » À quoi s’ajoute l’exigence supplémentaire que toute réunion (pour le suivi d’un élève handicapé entre autres) et formation continue (sur les nouveaux programmes, les priorités académiques) se tiennent hors temps scolaire, « comme si ce n’était pas du travail ». Des projets n’étant pas considérés comme de l’enseignement, des sorties, des projets culturels, pourraient ne plus avoir lieu, et ce sont les élèves en difficulté qui en pâtiront le plus », soupire l’enseignante.

Chaque annonce du ministère en réaction à l’actualité, comme récemment sur le harcèlement scolaire, « met tout le monde sous tension ». Telle la décision de reporter les épreuves du baccalauréat en juin , qui devrait réjouir les enseignants, mais est tellement floue qu’elle en vient à susciter des appréhensions… Tous sont « épuisés au bout de deux semaines », s’inquiètent les syndicats, dans une institution en outre confrontée « à la pénurie » d’AESH (personnels accompagnant les élèves handicapés), dont 70 ont démissionné durant l’été dans le Bas-Rhin, alors que le nombre d’élèves à prendre en charge a augmenté de 18 % selon la FSU, mais aussi de psychologues scolaires, de réseaux spécialisés, d’assistants sociaux…