Discours d’ouverture au congrès de Metz – 31 janvier 2022
Benoît Teste – Secrétaire Général
Pour ouvrir ce congrès, je voudrais d’abord et avant tout remercier les camarades de Metz de leur accueil, merci Eric de ton mot d’introduction et de ce rappel que nous sommes ici sur une terre de combats ouvriers, mais aussi de combats pour l’école publique et laïque, et donc dire à quel point nous sommes heureux d’être ici, surtout quand d’autres, en hiver, préfèrent le soleil d’Ibiza, eh bien nous, nous avons choisi le climat et l’ambiance de Metz, c’est de très loin beaucoup plus sympa et cela nous va beaucoup mieux…
L’objet d’un discours introductif est de dire quelques mots de la période récente, comme un « complément au rapport d’activité » et quelques mots sur les enjeux de ce congrès.
Je ne reviendrai donc pas ici sur tout le bilan de mandature au secrétariat général de la FSU d’un peu plus de 2 ans, le rapport d’activité en fait état, mais on peut quand même dire rapidement que comme toutes celles et ceux ici, qui comme moi, ont pris un mandat lors du dernier congrès, avec la pandémie ce sont des années qui ont été faites d’incertitudes, ont été rudes, et qui ont donc parfois mis à mal les collectifs militants. Mais ce sont aussi des années riches sur le plan militant, où nous avons été au plus près des personnels que nous représentons, assurant une continuité syndicale et revendicative dans un contexte nouveau, cela a été riche d’enseignements aussi.
Cette crise sanitaire continue de nous imposer des conditions particulières pour militer, elle en impose en particulier à ce congrès, et certain-es, notamment celles et ceux touché-es par la COVID, ne pourront pas participer à nos travaux, nous avons une pensée pour elles et eux. Les camarades de la SD 57 et de l’orga nationale se sont démené-es et ont relevé le défi d’un congrès sécurisé au mieux que nous pouvions le faire, pour nous permettre d’avoir un beau congrès, merci à elles et eux…
Puisque je suis sur la crise sanitaire, nous rappellerons ici que nous avons fait face à une gestion autoritaire et avons en particulier porté la demande d’une autre politique vaccinale qui passait ici par assurer les moyens de protection à tous les niveaux et aller vers toutes les populations au lieu d’user de la contrainte, et au niveau mondial par lever les brevets, ce n’est pas cela qui a été fait.
Par ailleurs, nous pouvons le réaffirmer : non, on ne pouvait pas et on ne peut toujours pas faire face à une telle pandémie à moyens constants, le « quoi qu’il en coûte », ne s’est pas traduit pour les services publics par les investissements nécessaires : les suppressions de lits dans les hôpitaux, les suppressions de postes dans de nombreux services, l’austérité budgétaire, le gel de la valeur du point d’indice, l’application de la loi de transformation de 2019, etc. Tout cela a plutôt continué comme si de rien n’était.
Les révélations récentes sur la situation de maltraitance dans un Ehpad privé ne peuvent que soulever notre indignation car elle est révélatrice de la manière dont on maltraite la dépendance et la fin de vie. De cette société-là, on n’en veut définitivement pas, c’est le cri que nous devons continuer de faire résonner pour qu’enfin des investissements conséquents soient faits dans un système public de prise en charge de la perte d’autonomie et plus généralement dans la santé. Nous devons travailler ces axes revendicatifs.
Pour développer un peu plus sur le sujet des services publics et de leurs agent-es, je voudrais repartir de la présentation du sondage qui nous dit plusieurs choses intéressantes. A mon sens, il dit à la fois la profondeur du mécontentement, du malaise, voire ce qu’on peut qualifier du ras-le-bol des personnels, mais il nous dit aussi l’existence, la persistance presque envers et contre tout, d’une culture de service public, et donc une volonté des agent-es de bien faire leur boulot malgré les obstacles qui sont mis devant elles et eux, et cette volonté rencontre aussi un attachement de toute la population aux services publics.
C’est tout cela qui s’est aussi exprimé dans les mouvements récents et dont nous devons prendre la mesure, et en particulier le 13 janvier dans l’éducation et le 27 janvier en interpro et qui s’exprime dans toutes les luttes du moment, je pense ici pour ce qui concerne la FSU aux luttes du secteur de l’animation, ce 1er février la journée d’action dans le travail social et la journée d’action à Pôle Emploi. Nous devons être attentif-ves à manier deux éléments : d’une part dire à quel point nos métiers ont été mis en difficulté, les services publics ont été affaiblis, dire et dénoncer la souffrance des personnels qu’on ne reconnait pas car les salaires sont trop bas, à qui on impose des conditions de travail intenables, et il faut organiser les luttes en conséquence, mais nous devons aussi parler des services publics dont les agent-es ont une haute idée liée à une certaine fierté de faire des métiers utiles, elles et ils savent ce qu’il serait nécessaire de faire : nous devons, dans la période, plus que jamais, car avec la crise sanitaire cela a été encore plus évident, valoriser l’utilité des services publics, et revendiquer la reconnaissance comme un élément de la capacité d’agir de ses agent-es
Concrètement, les suites d’actions se discutent en ce moment dans le cadre de l’interpro qui aura lieu lundi 7 février, de retour de notre congrès, nous devrons donc discuter ici, en particulier vendredi matin, comment on continue, la FSU a d’ores et déjà porté l’idée de soutenir et de favoriser toutes les luttes qui se mènent dans les secteurs, de faire du 8 mars une date structurante car les questions d’égalité femmes-hommes sont au cœur du combat global pour les salaires et les pensions, j’y reviendrai, nous devrons voir aussi si une action élargie le plus rapidement possible, avec une grande journée de grève à la mi-mars comme c’est envisagé pour le moment, est possible pour monter d’un cran, il y a en effet une possibilité d’élargissement au-delà du cadre qui constitue actuellement l’Intersyndicale (CGT – FO – FSU – Solidaires – les organisations de jeunesse) à l’UNSA et la CGC qui ont dit leur possible disponibilité, preuve que les choses bougent, ce serait en tout cas de nature à conforter cette dynamique de combat pour les salaires. Et très vite, le 24 mars, il y aura l’action des retraité-es.
Nous devrons bien entendu aussi réfléchir dans ce congrès à la meilleure manière qu’il doit y avoir pour articuler les différentes mobilisations éducation, fonction publique, interpro, retraité-es, toutes les questions se rejoignent, et comme d’habitude, notre force est de ne pas avoir de vision binaire sur la question, soit le « tout convergence des luttes » soit le « tout sectoriel », la vraie question est comment on construit dans tous les secteurs pour faire effectivement grossir les mobilisations et gagner. Et c’est possible de gagner sur les salaires.
En tout cas, une chose est certaine : la question des salaires dans laquelle j’inclus la question des pensions puisqu’elles sont des salaires continués, est centrale, cela a en tout cas été un axe stratégique fort de la FSU ces derniers mois : la revalorisation du point d’indice, couplée à la demande de revalorisation des pensions, est une demande urgente au gouvernement bien sûr, mais est aussi une demande de positionnement des candidat-es sur ces questions, certains l’ont déjà fait mais sans forcément détailler leurs propositions. Cela doit être notre objectif de court terme sur lequel il faut absolument insister. C’est la première préoccupation de la population, et c’est bien logique, il s’agit de pouvoir vivre correctement de son salaire, tout simplement, c’est de plus en plus difficile dans le contexte de reprise de l’inflation, et la manière dont on nous rémunère dit tout de la reconnaissance qu’on nous accorde.
C’est une revendication de répartition des richesses, dans ce monde dont le rapport d’Oxfam vient de nous dévoiler que le nombre de pauvres augmente alors que les profits n’ont jamais été aussi hauts, les plus riches accaparent la richesse au détriment du monde du travail qui la produit, augmenter les salaires c’est reprendre notre juste part, et ce sont l’ensemble des rémunérations, allocations et minima sociaux compris qui doivent être augmentés tout de suite.
C’est une revendication qui rejoint les préoccupations écologiques : ce sont ceux qui accaparent la richesse et font du profit peu importe la soutenabilité du modèle économique, qui détruisent la planète dans un court termisme fou, et ce sont l’ensemble des humains qui en subissent les conséquences. Or, c’est aussi le monde du travail qui peut tout changer, en organisant la rupture écologique qui est d’intérêt général, si on lui reconnait sa capacité d’agir, si on le forme et donc si on le qualifie pour cela, si on rémunère en conséquence avec des salaires qui permettent de vivre et de consommer correctement, tout en liant cela au plafonnement des plus hauts salaires, là aussi ce sont des perspectives de rupture avec le modèle actuel qu’il nous faut poser. C’est tout le sens de notre investissement dans le cadre de PJC qui a tracé des voies intéressantes sur ce plan et dans lequel nous nous sommes beaucoup investis.
C’est enfin une revendication qui permet de dérouler notre vision de la société. Je le disais tout à l’heure, dans les salaires il y a les pensions. Nous avons marqué des points, c’est le cas de le dire, au moment du combat contre la réforme des retraites, mais c’est un tel enjeu, 14% du PIB qui va directement des cotisations des travailleur-ses vers les retraité-es qui ont acquis des droits pendant leur vie de travail, sans passer par la finance, 14% du PIB en répartition, bien entendu cette question revient et va revenir car les néo-libéraux n’ont pas abandonné l’idée de financiariser ces sommes et d’en tirer toujours plus de profits au détriment de nos droits. Dans le débat public, nous devons réaffirmer que la retraite à 60 ans est parfaitement finançable, qu’une bonne retraite, c’est à 60 ans, âge de référence du mouvement ouvrier depuis plus d’un siècle car augmenter indéfiniment l’âge, c’est promettre une retraite pour les morts comme disait la CGT en 1910, c’est-à-dire la retraite dont on ne verra pas la couleur, en tout cas pas en bonne santé. Nous allons, sur cette question aussi, continuer à interpeller les candidat-es et nous déclarons d’ores et déjà que nous sommes prêt-es à nous remobiliser.
Tout se tient, et faire de la question des salaires une question centrale ne doit pas être compris comme une volonté d’occulter toutes les autres questions, au contraire, la question des salaires est un axe stratégique qui nous a permis et doit nous permettre de lier tous les sujets.
La FSU a une responsabilité particulière pour porter dans le débat public la question de la nécessaire abrogation de la loi de transformation de la fonction publique. Le sondage nous enseigne que les agent-es réclament dans leur immense majorité un retour à une gestion transparente des actes de gestion. Rien ne va dans cette loi, les privatisations et externalisations, les réductions de droits sur le temps de travail et le droit de grève dans les collectivités territoriales, et enfin le recrutement toujours accru de contractuel-les alors que nous devons revendiquer et obtenir un vrai plan de titularisation et l’arrêt du recrutement des précaires, nous devrons le réaffirmer et nous en donner les moyens dans ce congrès.
A l’ouverture de ce congrès, je voudrais aussi dire ma grande fierté d’être dans une fédération qui ne lâche rien sur les objectifs de progrès social, qui tient bon sur ses valeurs et ses combats pour la justice sociale, l’égalité, l’antiracisme, la lutte contre toutes les discriminations, quand bien même l’air du temps n’est pas à la vitalité de ces idées. Et on peut dire que lors de la période qui s’est écoulée depuis la publication du rapport d’activité, la crainte exprimée face à la montée et la banalisation des idées d’extrême droite n’a pas diminué, au contraire. La FSU a impulsé et s’est impliquée dans plusieurs cadres intersyndicaux et interassociatifs dénonçant ces idées, appelant à lutter contre les restrictions de droits et des libertés publiques, et contre le racisme sous toutes ses formes. Ce congrès sera l’occasion de débattre de ces sujets, ils ne sont pas toujours simples mais je crois que le fait de les avoir menés dans la FSU aboutit désormais à avoir une base solide dont les textes d’entrée en congrès sont le reflet, un rassemblement autour de valeurs quelles que soient nos nuances d’appréciations, des bons termes à employer pour qualifier les phénomènes en particulier, je crois que nous avons trouvé des points d’équilibre. Au grand dam de ceux qui ont cherché et cherchent encore à fracturer la gauche et le mouvement social sur ces questions, nous sommant d’employer leur ton martial ou sinon d’être taxés de complaisance, nous tenons bon, et c’est essentiel, car nous sommes très regardés sur cette question. Nous tenons bon parce que jamais nous ne laisserons la droite et l’extrême droite déployer leur folle et odieuse stratégie de division du monde du travail, de division du corps social. Et nous le disons fermement dès l’entrée de ce congrès, nous n’avons aucune leçon à recevoir, nous les militantes et les militants de l’émancipation par les savoirs, nous les militantes et militants qui sont aux côtés des peuples opprimés contre tous les obscurantismes, des femmes afghanes à qui les mêmes refusent bien souvent l’accueil ici, nous qui sommes au contact de la réalité sociale par tous nos métiers, dans l’enseignement mais aussi dans l’éducation populaire, dans les services publics de proximité qui font tant pour le lien du quotidien, à la justice évidemment, que ce soit à la PJJ ou en milieu carcéral, dans nos missions dans les ministères de l’environnement, de l’agriculture, de la culture, des affaires étrangères, du travail, à Pôle Emploi, nous qui travaillons au quotidien, chacune et chacun avec ses métiers, à ce que toute la population trouve sa place dans une société pourtant si dure, comment peut-on nous dépeindre comme les naïf-ves de service ? Alors, oui, nous continuerons à porter les combats antiracistes, féministes, LGBT. Les idées d’extrême droite, c’est la haine de l’autre, jusqu’aux enfants en situation de handicap sur lesquels un candidat à l’élection a osé dire qu’ils n’avaient pas leur place dans les salles de classes, nous en avons assez de cette surenchère au discours excluant.
Nous croyons que tous les enfants sont éducables, que par exemple l’inclusion est un objectif auquel on doit donner les moyens pour qu’il soit effectif, nous croyons que les mineur-es délinquant-es sont des mineur-es en danger qu’une politique juste doit aider pour qu’ils en sortent, et ce ne sont que quelques exemples. Les agent-es du service public font, avec le lien social du quotidien, la société meilleure parce qu’elles et ils croient en l’humain.
Dans le domaine des droits et libertés, nous rappelons que la persécution des exilé-es, à Calais et ailleurs, est inadmissible, la régularisation des sans-papiers ne devrait pas faire débat. Et la question de la place des immigré-es n’est pas pour nous annexe. Notre société se fait avec tou-tes ses citoyen-nes. La FSU est engagée avec le mouvement associatif, qu’il s’agisse de la LDH, de RESF…pour défendre les droits des personnes en cause, pour conquérir des droits nouveaux. Et ces sujets, nous devons aussi les travailler avec les personnels.
Un des grands sujets sur lequel les syndicats sont attendus concerne l’égalité entre les femmes et les hommes. Sachons nous montrer à la hauteur de cette attente, en faisant des enjeux féministes des enjeux au centre de nos préoccupations syndicales et en organisant les mobilisations en conséquence. Nous ne sommes pas de celles et ceux qui pensent que, parce que le gouvernement actuel a prétendu en faire une grande cause nationale, parce que les mentalités auraient bougé, etc… etc. le sujet serait devenu consensuel, donc pas forcément l’objet de mobilisations, et que tout serait acquis. Au contraire, les revendications féministes sont fondamentalement une remise en cause salutaire de l’ordre établi, elles visent une transformation radicale de la société au bénéfice de toutes et tous, il faut plus que jamais organiser ce combat, et on peut dire que le mouvement social féministe est particulièrement dynamique et presque exemplaire en terme de manière de mener la mobilisation, les luttes féministes parviennent à allier dynamiques issues de collectifs, mobilisations qui partent du terrain et rôle important des organisations syndicales dans leur structuration, c’est vraiment une très bonne dynamique à poursuivre. L’intervention du secteur droits des femmes tout à l’heure dans le débat général viendra nous rappeler l’ampleur du champ revendicatif, l’ampleur des écarts de rémunérations et de pensions, mais aussi la nécessité de lutter contre les violences sexistes et sexuelles, contre les stéréotypes de genre, et dans l’éducation il y a forcément une responsabilité particulière, de même que nous devons faire un travail approfondi en interne sur notre militantisme, là non plus nous ne pouvons nous satisfaire de l’existant et la FSU a beaucoup à faire encore pour progresser vers une représentation équilibrée des femmes et des hommes à tous les niveaux. Le 8 mars nous devrons être nombreuses et nombreux en grève pour l’égalité, pour nos salaires, nos pensions, nos métiers, c’est important y compris dans le cadre de la campagne électorale de la présidentielle pour peser sur ces questions.
Toujours concernant la manière dont le débat public se mène à l’occasion de ces élections, il n’est pas possible qu’à chaque fois qu’on évoque la question de la fonction publique on pense réduction de la dépense, c’est le cas pour la candidate des Républicains qui prétend de nouveau que la suppression de nombreux postes d’agent-es public-ques serait un projet désirable pour le pays : alors nous devrons le réaffirmer, les services publics et la Fonction publique participent à la création des richesses produites dans notre pays. Comment penser les mutations industrielles sans la formation, l’innovation et la recherche ? La transition écologique, sans les services publics de l’environnement et de l’agriculture ? Mieux répondre aux besoins de la population sur l’ensemble du territoire, lutter pour davantage d’égalité, de justice sociale et de solidarité. Oui résolument la Fonction publique n’est pas une charge mais bien une chance pour notre pays et l’avenir de sa société!
Quant au probable candidat Emmanuel Macron, il a d’ores et déjà déroulé les grands axes de sa campagne, laissant entrevoir une transformation radicale des services publics. Emmanuel Macron a par exemple déjà annoncé sa volonté de conditionner la revalorisation des enseignant-es à une refonte du statut, évoquant notamment l’annualisation du temps de service. Et après les évaluations standardisées et le recentrage sur les fondamentaux à l’école primaire et tout le mal que cela a fait à la professionnalité des enseignant-es et aux apprentissages, après la réforme du lycée, du bac et Parcoursup qui ont creusé les inégalités, après une réforme de la voie professionnelle qui a rabougri les apprentissages et les objectifs émancipateurs de la voie professionnelle et qui la met en concurrence avec l’apprentissage, le collège est annoncé comme une « cible prioritaire » par ses soutiens et ses dernières annonces sur l’accès payant à l’université confirme que le futur candidat a une vision élitiste de notre système éducatif où les plus défavorisé-es restent assigné-es à leur position sociale d’origine. C’est cette logique que nous devrons continuer à dénoncer.
Nous avons un rôle pour éclairer le débat public. Comment se fait-il en particulier que quasiment rien ne soit dit sur un des problèmes qui devrait pourtant préoccuper et même inquiéter au plus haut point, à savoir le renforcement des inégalités en général, le renforcement des inégalités à l’école en particulier. Comment se fait-il que ne soit pas au cœur du débat la question de la mixité sociale, comment se fait-il qu’on ne semble pas plus inquiet que cela que les enfants aillent de moins en moins à la même école ? Quand les classes sociales ne se côtoient plus à l’école, ne se connaissent même plus, alors on crée une société de la défiance qui n’est bonne pour personne, pas bonne pour les catégories les plus défavorisées bien sûr, mais pas bonne non plus pour les catégories sociales favorisées qui sont comme les autres dans le stress permanent de choisir la bonne école où il n’y aura pas trop d’enfants de pauvres, la bonne spécialité qui mènera à la bonne poursuite d’étude, dans une compétition généralisée où en plus tout est opaque et où donc même la bonne information se paie ou s’obtient grâce à ses réseaux, un monde stressant au possible. Personne n’a à gagner à cela, à cette école qui ne serait plus au service du commun, qui ne fabriquerait plus du commun, et qui n’aurait plus pour but de mener au plus haut d’eux-mêmes tous les enfants. Il faut relancer l’éducation prioritaire, il faut travailler la question de la mixité sociale, il faut refonder la voie professionnelle dans le cadre d’un système éducatif qui forme, qualifie, émancipe toute une génération, il faut globalement renforcer les moyens de l’école publique car elle est l’école qui fait du commun
Un des temps forts de ce congrès sera constitué par les interventions des secrétaires généraux de la CGT et de Solidaires et ce que nous pourrons dire dans le thème 4 sur les enjeux du syndicalisme, nous en attendons beaucoup en termes de feuille de route. Nous ne devons jamais renoncer au rassemblement du mouvement syndical. Nous avons pendant ces 2 dernières années mis en œuvre notre mandat de Clermont-Ferrand, même si la pandémie a créé d’autres urgences et a donc pu retarder certaines initiatives. Nous avons eu plusieurs initiatives avec la CGT et Solidaires et nos liens et nos analyses partagées se renforcent. Nous avons aussi fait le constat avec ces organisations qu’il nous fallait aujourd’hui aller au-delà d’initiatives nationales et travailler davantage à tous les niveaux de nos organisations pour créer des cadres pérennes et surtout porteurs d’espoirs, porteurs d’une dynamique visible qui donne à voir que là où il est possible, dans le respect de ce que nous sommes et qu’il ne s’agit pas de passer par pertes et profits, en partant des attentes des salarié-es vis-à-vis des organisations syndicales, le rassemblement renforce le syndicalisme. Ce sera un des sujets de notre congrès, je ne développe pas davantage sur ce point
En tous cas l’objectif de renforcement de la FSU, et en terme électoral il s’agit d’être la 1ère fédération à l’Etat et de devenir représentative à la territoriale au plan national n’est pas incompatible avec les perspectives d’unification, c’est même l’inverse, seule une FSU forte, porteuse de pratiques et d’orientations syndicales en dynamique, sera en capacité d’entraîner ses partenaires dans la nécessaire refondation du syndicalisme tout entier.
Je voudrais donc juste terminer par quelques enjeux pour la FSU elle-même, sa place, son évolution comment va la FSU en quelque sorte…
Partons d’un constat que tout le monde peut faire : la FSU est très bien implantée dans l’éducation au sens large, (c’est-à-dire que, même à l’éducation, la FSU, ce ne sont pas seulement des enseignant-es, et notre implantation dans les métiers de l’éducation déborde très largement le MEN, nous sommes dans le sport, dans l’éducation populaire, dans l’enseignement agricole, dans l’enseignement supérieur et la recherche, avec les éducateur-trices de la PJJ, avec les personnels territoriaux des écoles et établissements scolaires qui constituent une partie du SNUTER, etc.) bref nous sommes forts dans le monde de l’éducation. Cela doit constituer une chance et doit être conforté, car la valeur éducation vaut pour tout le projet de société. Une question se pose cependant : comment faire pour que cela ne signifie pas un repli sur un secteur, si important soit-il, comment faire pour que la FSU soit identifiée comme une fédération de l’ensemble des agent-es public-ques, avec bien sûr l’aspect entraînant de la préoccupation éducative mais pas dans un sens corporatiste, comment faire pour que ce soit vraiment une valeur entraînante, comment faire pour que le fait d’être dans une fédération de l’éducation soit un plus pour un-e agent-e de pôle emploi, un-e agent-e du ministère de l’environnement, une assistante maternelle, et que nous élargissions le spectre d’intervention de la FSU ?
La FSU, c’est ce syndicalisme si particulier qui est à la fois organisé en métiers ou champs de métiers, mais qui n’est pas un syndicalisme autonome, au sens où la structuration autour de valeurs est très forte et voulue par toutes les composantes de la FSU, à commencer par les syndicats nationaux. De même, son attachement à la structuration en tendances permet une démocratie interne unique, même si bien entendu il faut sans doute l’améliorer.
Sur la place que nous faisons à la dimension fédérale de notre activité, on peut certes dire que grâce à son syndicalisme au plus près du terrain, la force de la FSU, c’est aussi de ne pas avoir généré une bureaucratie fédérale qui serait déconnectée des réalités de métiers, et on voit bien quelles dérives cela nous a évité. Mais clairement, ce modèle nous permet-il toujours d’intervenir efficacement sur toutes les questions syndicales ? Cette réflexion ne doit-elle pas s’accélérer ne serait-ce que du fait de la contrainte des nouvelles modalités des élections professionnelles où le sigle FSU est celui sur lequel, encore plus qu’avant, on vote dans toute la quasi-totalité des scrutins. Ce sont des éléments que nous aurons à débattre. En tous cas, nous devons avoir en tête que les écueils existent et ils ne sont pas théoriques : une fédération qui traiterait les questions transversales, notamment les questions dites sociétales, comme un « supplément d’âme » ou pire, une fédération qui ne serait plus en capacité de traiter ces sujets, voilà les écueils. Sachons faire évoluer la place du fédéral dans notre organisation, c’est en tous cas un chantier qui devra se poursuivre.
Je voudrai aborder à ce stade, à titre illustratif, un de ces sujets transversaux majeurs que nous devons traiter mieux. Je pense ici à la protection sociale, car elle est un des droits majeurs des travailleur-ses, parce qu’elle est un exemple de progrès social gigantesque pour le monde du travail et parce qu’elle fait l’objet d’attaques nombreuses. Si on regarde les débats que nous avons eu récemment sur le protocole d’accord PSC, au-delà du positionnement que nous avons pris, il a révélé un besoin de mobilisations sur la sécurité sociale. Il est clair que nous ne parvenons pas suffisamment à faire de la sécu, de notre objectif de tendre vers le 100% sécu, un objet de luttes largement partagées avec les personnels. Cet accord, nous l’avons signé car le système actuel a été très fortement dégradé, la part des complémentaires est devenue trop importante, les complémentaires ont-elles-mêmes de plus en plus segmenté leur offre. Nous devons amplifier la lutte, avec les personnels et les retraité-es, pour inverser cette tendance et reconquérir une sécu de haut niveau.
Bien sûr les enjeux de sécu sont difficiles à faire appréhender directement par nos collègues, mais il s’agit bien d’une problématique de droits sociaux, avec ici aussi les problématiques de l’accès à la santé.
Aujourd’hui, la FSU est reconnue comme une force syndicale capable de faire des propositions, de négocier mais aussi de mobiliser. Cela est dû à notre capacité d’allier sans démagogie, proposition et action et tient également à la recherche de synthèse et de convergence dans la FSU comme avec d’autres à l’extérieur de la FSU. La synthèse est la recherche de solutions où chacun peut se reconnaître et qui nous fait avancer aussi loin qu’il est possible de le faire ensemble.
Concernant le fonctionnement de la FSU, nous devrons aussi dans ce congrès, réfléchir à la place des sections départementales et des CFR. Les sections départementales ont la lourde tâche de porter, dans des conditions difficiles, la fédération, décliner ses actions, structurer et animer la vie syndicales dans les départements. Et elles le font bien, en témoignent les retours sur par exemple les mobilisations où la FSU est très présente et visible, où la FSU est aussi très présente dans la presse. Nous devons toujours réfléchir à améliorer leur place dans la FSU, de même que nous devons aussi avoir une attention particulière aux CFR, cette structure que nous avons mise en place depuis quelques années pour prendre en compte les exigences et le poids du niveau régional dans notre activité. Il faut là aussi mieux les prendre en compte.
Enfin, puisque la FSU évolue, je tiens en particulier à saluer la naissance du petit nouveau, le SUI, qui regroupe désormais l’ensemble des corps d’inspection, avec les camarades de l’ex SNPI qui était déjà un syndicat de la FSU et les camarades de l’ex SIA qui en étaient déjà proches, mais bravo aux camarades qui ont réussi à dépasser les difficultés qu’il y a toujours dans ces circonstances, et ce n’était pas rien, il est toujours plus facile de se diviser que de s’unir, nous voilà plus forts pour représenter les personnels, c’est une très bonne nouvelle.
Enfin, la force du syndicalisme c’est aussi le nombre de syndiqué-es. Le constat là aussi est toujours le même : un taux trop faible. Même dans les secteurs qui comme les nôtres ont souvent une forte tradition de syndicalisation. Essayons de traiter sérieusement les raisons de ces difficultés et mettons en place les actions nécessaires pour inverser cette tendance.
De ce congrès doit sortir un appel fort qui aille bien au-delà de nos rangs, une réaffirmation du projet humaniste que nous portons, notre projet de transformation sociale jusque dans ses détails, c’est une arme contre toutes les régressions, une réaffirmation tout à la fois du sérieux de nos propositions car elles viennent du terrain et sont assises sur la réalité, mais aussi, et c’est complémentaire, de notre volonté de résistance, avec beaucoup d’idéalisme aussi bien sûr. Nous aurons l’occasion de présenter la campagne des élections professionnelles dont vous avez un aperçu dans le hall, elle traduit bien cette volonté d’inscrire les petits combats dans les grands et donc de ne se départir d’aucune tâche, d’être à la fois dans le réalisme et dans l’idéalisme, dans le quotidien des collègues et dans le projet de société global, dans le combat pour les droits les plus concrets et immédiats mais toujours au nom de nos valeurs et de l’intérêt général, c’est cela qui, je crois, nous caractérise bien.
Je voudrais avoir, avant de terminer, une pensée pour toutes celles et tous ceux qui nous ont quitté depuis le congrès de Clermont-Ferrand et qui ont à des titres divers œuvré pour la fédération, je voudrais citer particulièrement Nathalie Pszola, Gérard Chaouat, Marc Le Disert, Luc Muller, Stéphane Batigne. Si nous avons déjà rendu hommage à ces camarades, leur engagement syndical, leur contribution à la FSU constitue un héritage qui sera précieux aujourd’hui encore dans nos travaux.
A la fin de ce congrès, je présenterai ma candidature devant le CDFN vendredi matin pour un deuxième mandat au secrétariat général, le précédent a été court et intense, à titre individuel c’est donc une activité tout à la fois passionnante et dévorante, et j’ai bien conscience que beaucoup reste à accomplir, donc c’est avec humilité mais aussi, bien entendu, avec enthousiasme, convaincu que la force que nous nous donnons collectivement est d’une puissance incroyable et qu’elle est porteuse pour militer, que je solliciterai un nouveau mandat. En attendant, nous avons beaucoup de travail toute cette semaine, excellent congrès à toutes et tous !